Au travers de cet article, je vous propose de découvrir le lien étroit qui existe entre la peau, les interactions au cours des premières années de notre vie et notre personnalité.
L’épiderme semble posséder son propre langage, chargé de relayer tous les non-dits de notre vie. L’interaction entre le cerveau et la peau est due au fait que ces deux organes ont tous les deux la même origine embryologique. En effet, ils se forment en même temps, au vingt et unième jour du développement de l’embryon.
La peau est le premier organe que l’on voit lorsqu’on se regarde, mais sous son aspect simple, c’est sans doute l’un des organes les plus complexes et des plus difficile à comprendre. La peau ressent tout, absorbe tout, capte tout et délivre immédiatement le message au cerveau. Constituée de cinq millions de cellules sensorielles, la peau est un immense récepteur de sensations. Pour Aschley MONTAGU, un chercheur américain précurseur dans l’étude des influences sensorielles de la peau : « La peau est l’organe le plus important chez l’homme… Chaque sensation correspond à un message humain fondamental. »
Et l’amour est un des premiers messages. C’est pour cela qu’il est intéressant de voir l’influence que la peau a joué sur le développement personnel, et notamment sur la personnalité. Une personnalité qui fait de chaque personne quelqu’un d’unique et qui se construit dès la plus tendre enfance. De nombreuses études ont d’ailleurs démontré que l’interaction de la mère avec son enfant ou encore de l’enfant avec son environnement avait un impact sur la future personnalité de ce dernier.
Il faut savoir que dès sa naissance, le bébé est reconnu comme “compétent”, c’est-à-dire qu’il est capable de percevoir les choses, de communiquer mais également capable d’échanger. Il a été défini qu’à l’âge de trois ans, les bases de la personnalité de l’enfant et de son organisation psychique sont, pour l’essentiel, déjà en place. On peut alors se poser la question de savoir comment le bébé devient-il une personne ? Comment parvient-il, dès son plus jeune âge, à construire une identité propre, à développer sa personnalité qui fait de lui un être unique et irremplaçable ?
Pour la chercheuse au laboratoire de psychobiologie de la Sorbonne, à Paris, Jacqueline NADEL : « L’amour naît du contact. ». Les bébés le sentent bien : voilà pourquoi ils cherchent à être pris dans les bras, qu’ils recherchent le contact, que ce soit avec leur mère ou avec leur entourage. En effet, des expériences ont notamment prouvé l’importance du toucher au travers des massages pour les bébés. Il a été démontré que cette pratique réduisait, par exemple, le temps d’hospitalisation des prématurés, améliorait leur coordination motrice ainsi que leur attention aux choses.
Selon l’article « De la sensorialité à la personnalité » écrit par Bernard AZEMA et Patricia CHAPUY, « C’est principalement la mère, à travers les nombreux échanges avec son enfant, à travers ses attitudes (conscientes et inconscientes), ses émotions, et ses affects, qui va créer un climat propice pour que les expériences du nourrisson prennent sens et que ses propres émotions et affects émergents ». La communication qui existe au sein du duo mère-enfant joue donc un rôle fondamental dans le développement de la personnalité de l’enfant. Que ce soit pour la mère ou pour l’enfant, on constate une influence mutuelle suscitant une chaîne d’interactions qui passent notamment par le langage, le toucher et les caresses. Au fur et à mesure que les interactions se renouvellent, elles laissent des traces mnésiques, autant sur le plan du langage que celui de la construction de la personnalité de l’enfant.
Afin d’illustrer ces propos, l’article « Développement de la personnalité et du comportement dans la prime enfance » écrit par Henry MASSIE et ses collaborateurs, met en avant l’influence des interactions de la mère avec son enfant, via le suivi de deux enfants de leur naissance jusqu’à l’âge de 7 ans. Il est important de noter que l’un de ces enfants, du nom de Charles, a eu un développement personnel perturbé par l’ambivalence parentale, et cela, dès sa plus tendre enfance. L’origine de cette perturbation se trouve dans des liens, insuffisamment chaleureux, avec un contact physique limité.
Selon le psychanalyste Didier ANZIEU, auteur du “Le Moi-Peau”, notre personnalité se façonne d’abord par une prise de conscience de notre peau, de cette limite dans l’espace de notre identité. L’image que nous avons de nous-même ainsi que notre personnalité prend forme lors des communications peau contre peau entre le bébé et sa maman : c’est ce fameux « moi-peau », une étape du développement qui va permettre, par la suite, à l’enfant d’accéder à d’autres stades de son évolution psychique.
La personnalité, un mot plein de sens que l’on peut interpréter de différentes manières, mais qui caractérise chaque personne. Si les expériences vécues forgent le caractère, il ne faut pas sous-estimer le fait que la plus grande partie de la personnalité se développe dans l’enfance notamment au travers des interactions parents/enfant ou encore enfant/entourage via entre autres le toucher, les caresses, la communication…
A ce jour la société est confrontée à un certain phénomène d’uniformisation, les gens suivent les mêmes tendances, se rejoignent sur les mêmes centres d’intérêt et la personnalité à tendance à s’adapter à ce phénomène pour se faire mieux intégrer. Mais un certain besoin d’unicité, se fait de plus en plus ressentir par les consommateurs, qui recherchent des produits qui leur ressemblent, qui correspondent à leurs besoins et à leurs attentes. La personnalisation prend tout son sens dans le secteur des cosmétiques, car ce sont des produits que l’on applique sur la peau, et la peau est l’essence même de notre personnalité. – Résonance R&D : Pauline CAUSSANEL
Comment notre peau peut refléter nos émotions ?
Organisme naturellement contenant, la peau délimite l’intérieur de l’extérieur et définit le sentiment d’unité physique et psychique. Fondamentale pour le nourrisson, elle n’en reste pas moins un repère constant pour les adultes que nous sommes.
Fonctions organiques et développement psychique
Anzieu, dans son célèbre livre ‘Le Moi-peau’ paru en 1985, développa l’idée freudienne d’un Moi comme entité de surface en démontrant un parallèle entre le développement psychique et les fonctions organiques de la peau.
La peau est tout d’abord une enveloppe physique, ferme et élastique, qui contient notre corps mais elle est aussi protectrice en avertissant des dangers tels que les brûlures, en amortissant les coups ou encore en régulant notre température : la peau est donc un ‘pare-excitation’.
Elle est aussi sélective puisqu’elle permet une régulation entre les éléments externes et internes (elle laisse passer l’air mais pas l’eau…) et permet l’interconnexion des sens tels que la vue, l’odorat ou le toucher. La peau est également érogène et contribue à la vie sexuelle.
Enfin, elle est le support de notre identité : elle indique les filiations par la ressemblance des traits ou la transmission de signes distinctifs tels que les tâches de naissance ; elle indique l’âge, la race mais aussi l’état de santé. C’est également la peau, au travers des empreintes digitales, qui certifie notre individualité.
Entre régénération et autodestruction
Souvent dénigrée et oubliée par chacun d’entre nous, la peau recèle pourtant des capacités enviées de tous les Hommes. Le derme a en effet l’aptitude de se régénérer au travers du processus de cicatrisation.
A l’inverse, elle est aussi capable de se détruire elle-même lors des atteintes somatiques telles que l’eczéma, les allergies, les maladies auto-immunes ou encore l’acnés.
La peau semble donc être le réceptacle organique des processus psychiques de pulsion de vie et de pulsion de mort.
Langage et fonctions psychiques de la peau
Une rapide recherche autour des utilisations de la peau dans notre langage quotidien démontre, si cela était encore nécessaire, les liens entre l’organe et nos existences physiques et psychiques.
‘Etre bien dans sa peau’, ‘sauver sa peau’, ‘risquer sa peau’, ‘faire peau neuve’, s’e mettre dans la peau de l’autre’, ‘avoir quelqu’un dans la peau’, ‘prendre par la peau du cou’, ‘avoir sa peau’, ‘lui trouer la peau’, ‘lui faire la peau’, ‘avoir la peau dure’ etc…Toutes ces expressions témoignent du passage entre la réalité de la peau et la vie psychique.
Nos expressions témoignent également de la fonction de définition du ‘je’ de la peau : ‘en son for intérieur’, ‘en moi-même’ ou encore ‘être hors de soi’, ‘sentir que les choses nous échappent’, ‘avoir des trous’…La peau représente ainsi notre contenant, dont nous sommes à la fois maître et prisonnier et qui est parfois débordé.
Enveloppe psychique et trauma
Selon la théorie des enveloppes psychiques, le trauma apparaît comme une déchirure par un corps étranger, supprimant alors la fonction d’interface sélective et de pare-excitation de l’enveloppe : dans le syndrome post-traumatique par exemple, le sujet devient incapable de se couper des reviviscences, c’est-à-dire des excitations extérieures.
De même, les scarifications et auto-mutilations, fréquentes chez les adolescents, témoignent du lien entre troubles liés à l’identité (au ‘je’) et attaque de la peau comme enveloppe du soi.
Émotions
Qu’il rougisse devant un compliment ou vibre sous la caresse, notre épiderme semble exprimer tout ce que nous ne pouvons dire avec des mots. Un langage complexe que l’on commence juste à décrypter.
Chaud, froid, douleur, douceur, la peau ressent tout, absorbe tout, capte tout. Pour délivrer illico le message à notre cerveau. Mais de toutes ces informations, ce sont les caresses qu’elle préfère… Avec leurs cinq millions de cellules sensorielles, les deux mètres carrés de peau qui nous séparent du monde extérieur constituent un immense récepteur de sensations. Le chercheur américain Aschley Montagu, l’un des précurseurs dans l’étude des influences sensorielles de la peau, l’affirme sans détour : « La peau est l’organe le plus important chez l’homme… Chaque sensation correspond à un message humain fondamental. » Et le premier de ces messages, c’est l’amour.
L’amour naît du contact
Jacqueline Nadel, chercheuse au laboratoire de psychobiologie de la Sorbonne, à Paris, en est convaincue : « L’amour naît du contact. » Les tout-petits le sentent bien, qui cherchent à être pris dans les bras et cajolés à longueur de temps. Voilà pourquoi il est recommandé de les masser. Des expériences ont prouvé que cette pratique réduisait le temps d’hospitalisation des prématurés, améliorait leur coordination motrice ainsi que leur attention aux choses. Chez les bébés nés à terme, l’effet relaxant des massages facilite l’endormissement.
Une pratique que les adultes peuvent adopter pour leur plaisir personnel. Quoi de plus sensuel que de découvrir la peau de l’autre ? Dans le jeu de la séduction, si le désir passe par la vue et la voix, il se concrétise à fleur de peau. Le toucher est alors une forme d’appropriation, un moyen de connaissance et de reconnaissance de l’autre. Certains sexologues conseillent ainsi aux couples en crise de prendre du temps pour se masser et se caresser : le toucher est en effet un moyen d’échange où il n’y a ni dominant ni dominé.
L’étape du “moi-peau”
La peau reçoit, la peau transmet. La peau vibre et la peau vit. La peau reflète nos émotions. C’est ce dont est convaincu le psychanalyste Didier Anzieu, qui a écrit “Le Moi-Peau” en 1974, date à laquelle la psychanalyse a commencé à s’associer à la dermatologie. Sa thèse : notre personnalité se façonne d’abord par une prise de conscience de notre peau, de cette limite dans l’espace de notre identité. En effet, l’image que nous avons de nous-même prend forme – au sens concret du terme – lors des communications peau contre peau entre le bébé et sa maman : c’est ce fameux « moi-peau », une étape du développement qui va permettre à l’enfant d’accéder à d’autres stades de son évolution psychique, puis à la sexualité.
Ensuite, tout au long de la vie, la peau continuera de refléter les hauts et les bas de notre vie intérieure : le visage rougira sous l’effet de la colère, pâlira sous celui de la peur, le bonheur se lira sur un visage éclatant, alors qu’un teint toujours gris laissera présager un état dépressif.
Blessure intérieure, stigmates extérieurs
Il est classique, aujourd’hui, de considérer que les poussées de psoriasis, d’herpès, d’ eczéma ou d’acné sont favorisées par le stress et la contrariété. Mais le docteur Danièle Pomey-Rey, dermatologue et psychanalyste à l’hôpital Saint-Louis, à Paris, va plus loin. Selon elle, 80 % des maladies de peau ont une origine psychologique : « Celui qui en est atteint est quelqu’un qui a beaucoup de choses à dire, mais qui n’y parvient pas. Il parle alors avec sa peau. » Notre épiderme semble posséder son propre langage, chargé de relayer tous les non-dits de notre vie. Les raisons de cette interaction entre le cerveau et la peau sont simples : ils ont tous les deux la même origine embryologique ! Ils se forment en même temps, au vingt et unième jour du développement de l’embryon.
Et depuis, les informations ne cessent de circuler entre eux… Un stress ? Une émotion ? Le système nerveux va traduire cette information en un langage biochimique, via les neuromédiateurs. Ceux-ci agissent alors sur la peau de telle sorte qu’ils peuvent induire – ou guérir – une maladie cutanée. Ainsi, nous sommes tous susceptibles de développer des allergies ou de voir nos cheveux tomber à la suite d’un choc affectif. Le plus souvent, un traitement aboutit à la guérison. Parfois non. « C’est le degré d’angoisse qui fait la différence », pense Danièle Pomey-Rey.
La présence de tels liens entre peau et cerveau justifie l’existence de la psychodermatologie, travail en duo du psychiatre et du dermatologue pour traiter les affections cutanées sévères ou invalidantes. S’allonger sur le divan pour soigner une acné ? « Non. Avec un patient venu pour un problème de peau, il faut plutôt travailler en face à face et en fonction de ce problème », précise Danièle Pomey-Rey. Elle explique qu’un psoriasis les amènera ainsi à aborder une colère rentrée ; s’il s’agit d’eczéma, il faudra parler de son angoisse ; la perte des cheveux sera liée à une autre perte ; tandis que l’acné pourra apparaître comme une cicatrice visible d’un deuil. Des antidépresseurs légers peuvent être prescrits parallèlement à ces entretiens. Et les résultats se font jour : la peau peu à peu s’améliore, l’image de soi est réhabilitée. Comme une plaie qui se fermerait doucement.
Des messages au cerveau
Nous ne sommes qu’au tout début des découvertes sur ces liens étonnants entre peau et cerveau. Désormais, les recherches sont regroupées au sein d’une même discipline : la neuro-endocrino-psychodermatologie. Des travaux récents viennent ainsi de montrer les effets du parfum sur l’immunité de la peau : une réaction d’allergie cutanée a pu être régulée grâce à la simple inhalation d’une fragrance. Une autre étude montre que, chez des personnes âgées, la réhydratation de la peau augmente sa sensibilité.
Ces champs d’investigation sont passionnants, car ils auront de nombreuses répercussions sur notre vie quotidienne. Comme le rappelle Laurent Misery, professeur en dermatologie et spécialiste du lien peau-cerveau, il semble que les neuromédiateurs – ces messagers chimiques circulant entre peau et système nerveux – peuvent exercer une influence tant sur l’épaisseur des tissus que sur la fabrication du collagène et du sébum, sur la pigmentation de la peau ou sur sa réponse immunitaire. En conséquence, il est fort probable que nos crèmes de soin ne se contenteront bientôt plus d’agir en surface, mais pénétreront en profondeur, à la source du problème lui-même, en stimulant le bon neuromédiateur. – Résonance R&D : Pauline CAUSSANELOdile Chabrillac